De gauche à droite : Pascale, Jérôme, Marie-Paule, Daniel, Joséphine, Guillaume, Mario, Médard, Eve, Séverine, Gérard, Yannick, Martine

 

Les origines

Nous sommes dans les années 30. Jérôme Forgiarini partage ses journées d’enfant entre son travail à la ferme familiale de Formeazzo, au nord de l’Italie, et l’école, à sept kilomètres. Des conditions de vie difficiles dont il conservera toutefois la nostalgie des trajets à ski l’hiver. Adolescent, il se rend à Innsbruck, au coeur des Alpes autrichiennes, pour apprendre le métier de menuisier-ébéniste avant d’être embauché dans une usine de skis dans son Frioul natal.

Son destin bascule avec la Seconde Guerre mondiale, qui restera un traumatisme. Il déserte et rejoint la résistance avant de fuir vers la France pour arriver à Poitiers. Jérôme Forgiarini a 20 ans et ne parle que le patois de sa région d’origine. Avec comme seul bagage un petit sac à dos et une paire de chaussures trouées, il part pour Colmar où il sera accueilli dans un foyer par la soeur Marie Damien.

 

Un travail de reconstruction et d’intégration

Jérôme Forgiarini ne se ménage pas : il apprend le français, l’alsacien, utilise son savoir-faire pour rebâtir les maisons dévastées par la guerre. Son entrain et sa rapidité fondent sa réputation. Début 1949, Jérôme Forgiarini épouse Madeleine, rencontrée dans un restaurant de Benfeld et avec laquelle il passera sa vie. Ensemble, ils souhaitent bâtir, entreprendre. Jérôme Forgiarini sillonne chaque jour la région, en train ou à vélo, pour se rendre sur des chantiers et gagner sa vie. Le soir venu, il forme son épouse à la vente et travaille à la fabrication de son propre dépôt de bois. Pendant ce temps, la famille s’agrandit, avec l’arrivée de Joséphine (Fifine), puis Gérard, Mario et enfin Daniel.

 

 
Madeleine et Jérôme Forgiarini devant le poulailler, sur le site de Kogenheim, dans les années 60.

 

La scierie, matrice de la famille :

Leurs efforts se voient récompensés lorsqu’en 1958 ils lancent leur propre affaire : une scierie à Kogenheim. Jérôme vend son bois aux artisans de la région, Madeleine gère l’administratif tout en s’impliquant pleinement à l’atelier. Le travail reste très physique, la scierie nécessite du matériel lourd et d’importants investissements. D’années en années, l’activité se déploie en s’appuyant sur l’énergie de tous, enfants compris.

La scierie, accolée à la maison familiale, se transforme en un fabuleux terrain de jeu. Elle devient la matrice, porteuse des valeurs et de la culture familiale : sens du travail, politesse, respect et immersion dans l’univers du bois. La scierie, en dehors d’un espace où les clients sont régulièrement conviés à partager le repas familial, est aussi un cocon où il fait bon retrouver la communauté italienne.

Jérôme Forgiarini espère bien pouvoir transmettre son entreprise à ses enfants le jour venu. Il les observe et, en fonction du tempérament de chacun, imagine une répartition des rôles : Gérard à la comptabilité et à l’administratif ; Mario, très manuel, prendra en charge le volet technique et la production ; Daniel endossera le rôle du commercial. Fifine, quant à elle, choisira de travailler dans le milieu hospitalier. La seconde génération est intégrée à l’entreprise à l’époque où le flair de Jérôme Forgiarini l’amène à étendre son activité.

Vers la seconde génération ...

Désormais, Forgiarini vend du bois à des fabricants dont il revendra ensuite les meubles. Armoires en chêne, commodes de valeur… Les commandes affluent, tant et si bien qu’il faut agrandir la scierie, acheter des véhicules, développer des petits espaces de vente et du personnel hors du cadre familial.

Arrivent les années 80 et avec elles les grandes enseignes de mobiliers « prêts à consommer ». Un contexte hyper concurrentiel qui modifie en profondeur le marché du meuble. Jérôme Forgiarini a alors une idée qui amorcera un tournant décisif : importer du carrelage d’Italie, où il a conservé quelques contacts, afin de le revendre aux églises de Colmar. Un travail de négociant renforcé début 90 par l’embauche d’un commercial. Ensemble, ils parcourent l’Italie et cherchent à nouer des partenariats commerciaux. La marque Imola est intéressée et propose à Jérôme Forgiarini de l’aider à développer son activité en l’équipant gratuitement. Le marché est conclu, posant ainsi les bases d’une activité qui s’avèrera lucrative et pérenne.

... Et l'entreprise d'aujourd'hui

Tandis que la seconde génération porte et développe cette nouvelle impulsion, c’est au tour de la troisième de parcourir les allées de la scierie à vélo, de se livrer à d’excitantes parties de cache-cache au milieu des stocks de planches. « Il ne fallait pas forcément que ce soit utile mais il fallait être là, c’était important pour nos parents et nos grands-parents », témoigne Jérôme, fils de Daniel (et donc petit-fils du fondateur) et actuel co-gérant de l’entreprise. La famille est au coeur de l’entreprise, l’entreprise au coeur de la famille.

Aujourd’hui, Forgiarini est leader sur le Grand Est dans le domaine du carrelage. L’offre s’est élargie aux sanitaires et l’on trouve désormais une large gamme de produits de décoration intérieure.

Si Jérôme et Madeleine Forgiarini ne sont plus là pour le voir, leurs valeurs sont portées par quatre cousins qui ont, au fil des années, intégré la société : Jérôme est en charge du commercial et de la communication, Guillaume, son frère, s’occupe du bois, Médard de la technique, Séverine des ressources humaines.

Leur point commun ? Avoir rodé leurs connaissances hors de la maison mère. Des expériences qui leur feront prendre conscience de l’étendue du savoir-faire développé par leurs parents et grands- parents. Une mission de taille lorsqu’on sait qu’actuellement la société emploie 75 personnes et génère de très gros volumes d’affaires.

 

L'entrée de magasin de Kogenheim, avec le nom FORGIARINI, en mosaique

 

Le sens de la famille se décline jusque dans leur façon de recruter : « Nous considérons nos collaborateurs comme faisant partie de notre famille élargie. Ils partagent avec nous cette vision des choses, cette solidarité, sans quoi cela ne pourrait pas fonctionner », explique Jérôme. Ne soyez pas étonnés de croiser leurs enfants et ceux de leurs employés aux détours des allées des quatre showrooms où des espaces de jeux sont prévus pour accueillir les familles. Des enfants de la 4e génération qui peut-être un jour, écriront à leur tour la suite de la saga Forgiarini.

Article : Valérie Dietrich - Cécile Becker

Photos : Pascal Bastien

Source : Zut!